Il y a plusieurs sortes de visiteurs, forcément ; on commence, après neuf jours, à les découper en lamelles de plus en plus fines – quoique encore assez épaisses. Pour l'instant, cernons ces deux : ceux qui sont tombés là par hasard et ne posent donc aucune question, assommés par avance de cette visite qu'ils n'ont pas choisie, résignés à sa durée ; et ceux qui s'intéressent, veulent tout savoir.
Il va de soi que la seconde catégorie paraît préférable, et j'en suis a priori d'accord. Ce ne se vérifie pas toujours, témoin le trio qui échut cet après-midi à l'Irremplaçable, cependant que, moi, je pilotais un délicieux lecteur de Renaud Camus, le genre qu'on a presque envie de payer tellement il vous rend la visite agréable. Le trio de Catherine : un homme n'ayant pas ouvert la bouche une seule fois, une adolescente incapable de desserrer les dents et une femme balançant les questions en rafales : c'est elle qui, ce soir, nous intéresse.
D'emblée, elle annonce à l'Irremplaçable qu'elle est déjà venue à Plieux, il y a 15 ans, lors d'une exposition (elle ne se rappelle plus laquelle, bien entendu). Elle veut revoir LE monochrome, et s'étonne de ne pas le rencontrer dès les salles du rez-de-chaussée (où il n'y a jamais eu le moindre monochrome). À ce stade, Catherine pense encore avoir affaire à un être humain normal, et poursuit la visite.
La situation commence à s'assombrir (presque autant que les Marcheschi du dit rez-de-chaussée) au premier étage, lorsque la petite boulotte en question réclame avec une insistance accrue SON monochrome : il ne faut pas se foutre de sa gueule, elle est venue ici il y a quinze ans, il y avait un monochrome, elle le veut, elle y a droit, elle a payé, quoi, merde. – À ce stade, l'Irremplaçable (tout en me maudissant d'avoir conservé le meilleur client) commence à comprendre qu'elle est tombée sur un os, à la fois mou et inassimilable par l'organisme.
S'il n'y avait que le monochrome fantôme, elle s'en arrangerait sans doute. Seulement, mais : la visiteuse ne tarde pas à préciser ses exigences de visiteuse. Son mâle et son adolescente continuant de se taire obstinément, la voilà qui affirme que ce qui l'intéresse, c'est « de connaître la vie des écrivains ». Bon. Ça tombe bien, on en a un dans cette maison même. Sauf que... Sauf qu'il n'est pas là, justement. Et, Violette (appelons-la Violette), il ne faut pas la prendre pour une conne. Lorsque Catherine lui apprend que Renaud Camus vit tout le temps à Plieux, elle repère tout de suite l'arnaque :
- Oui, enfin, n'emppêche que, là, justement, il est pas là !
- Euh... non, il est en voyage...
- Ben alors, pourquoi vous nous dites qu'il est tout le temps là ?
À ce stade, avec la patience et la mansuétude que vous lui connaissez, l'Irremplaçable se retient de lui dire quelque chose comme : « Toi aussi, connasse, tu vis tout le temps chez toi, et pourtant, là, tu es en vacances ailleurs que dans ton clapier de merde. » Voyez l'ambiance qui se profile. De toute façon, la blondasse-qui-s'intéresse-aux-écrivains est déjà repartie vers d'autres contrées et veut savoir des choses essentielles :
– Et comment i fait quand i va à Paris ?
– ???
– Ben oui, s'il est écrivain, i doit bien aller à Paris ?
– Euh... oui, peut-être... Mais je ne comprends pas très bien votre question...
– Ben il y va comment ? I prend le car à Lectoure pour Agen, ou alors i va jusqu'à Agen en voiture et i prend directement le train ?
(L'Irremplaçable, perdant pied ) : – C'est que... Peut-être qu'il va à Paris en voiture...
- Ah ? Ben d'accord, mais vous nous avez dit qu'il était en Scandinavie. Alors, il la gare où, sa voiture, pour aller prendre l'avion ? Parce qu'il prend l'avion, forcément ! En tout cas, vous nous dites qu'il vit tout le temps là, n'empêche que, là, il est pas là ! Et le monochrome ? Je suis sûr qu'il était à cet étage ! C'est comme son bureau, je m'souviens très bien qu'il était au premier, pourquoi maintenant il est au deuxième ?
Je garantis la rigoureusitude de l'échange ci-dessus : vous auriez vu l'air hagard de l'Irremplaçable au sortir de l'épreuve, vous n'en douteriez pas plus que moi. Elle avait bien mérité son godet de blanc de Gascogne.
Il va de soi que la seconde catégorie paraît préférable, et j'en suis a priori d'accord. Ce ne se vérifie pas toujours, témoin le trio qui échut cet après-midi à l'Irremplaçable, cependant que, moi, je pilotais un délicieux lecteur de Renaud Camus, le genre qu'on a presque envie de payer tellement il vous rend la visite agréable. Le trio de Catherine : un homme n'ayant pas ouvert la bouche une seule fois, une adolescente incapable de desserrer les dents et une femme balançant les questions en rafales : c'est elle qui, ce soir, nous intéresse.
D'emblée, elle annonce à l'Irremplaçable qu'elle est déjà venue à Plieux, il y a 15 ans, lors d'une exposition (elle ne se rappelle plus laquelle, bien entendu). Elle veut revoir LE monochrome, et s'étonne de ne pas le rencontrer dès les salles du rez-de-chaussée (où il n'y a jamais eu le moindre monochrome). À ce stade, Catherine pense encore avoir affaire à un être humain normal, et poursuit la visite.
La situation commence à s'assombrir (presque autant que les Marcheschi du dit rez-de-chaussée) au premier étage, lorsque la petite boulotte en question réclame avec une insistance accrue SON monochrome : il ne faut pas se foutre de sa gueule, elle est venue ici il y a quinze ans, il y avait un monochrome, elle le veut, elle y a droit, elle a payé, quoi, merde. – À ce stade, l'Irremplaçable (tout en me maudissant d'avoir conservé le meilleur client) commence à comprendre qu'elle est tombée sur un os, à la fois mou et inassimilable par l'organisme.
S'il n'y avait que le monochrome fantôme, elle s'en arrangerait sans doute. Seulement, mais : la visiteuse ne tarde pas à préciser ses exigences de visiteuse. Son mâle et son adolescente continuant de se taire obstinément, la voilà qui affirme que ce qui l'intéresse, c'est « de connaître la vie des écrivains ». Bon. Ça tombe bien, on en a un dans cette maison même. Sauf que... Sauf qu'il n'est pas là, justement. Et, Violette (appelons-la Violette), il ne faut pas la prendre pour une conne. Lorsque Catherine lui apprend que Renaud Camus vit tout le temps à Plieux, elle repère tout de suite l'arnaque :
- Oui, enfin, n'emppêche que, là, justement, il est pas là !
- Euh... non, il est en voyage...
- Ben alors, pourquoi vous nous dites qu'il est tout le temps là ?
À ce stade, avec la patience et la mansuétude que vous lui connaissez, l'Irremplaçable se retient de lui dire quelque chose comme : « Toi aussi, connasse, tu vis tout le temps chez toi, et pourtant, là, tu es en vacances ailleurs que dans ton clapier de merde. » Voyez l'ambiance qui se profile. De toute façon, la blondasse-qui-s'intéresse-aux-écrivains est déjà repartie vers d'autres contrées et veut savoir des choses essentielles :
– Et comment i fait quand i va à Paris ?
– ???
– Ben oui, s'il est écrivain, i doit bien aller à Paris ?
– Euh... oui, peut-être... Mais je ne comprends pas très bien votre question...
– Ben il y va comment ? I prend le car à Lectoure pour Agen, ou alors i va jusqu'à Agen en voiture et i prend directement le train ?
(L'Irremplaçable, perdant pied ) : – C'est que... Peut-être qu'il va à Paris en voiture...
- Ah ? Ben d'accord, mais vous nous avez dit qu'il était en Scandinavie. Alors, il la gare où, sa voiture, pour aller prendre l'avion ? Parce qu'il prend l'avion, forcément ! En tout cas, vous nous dites qu'il vit tout le temps là, n'empêche que, là, il est pas là ! Et le monochrome ? Je suis sûr qu'il était à cet étage ! C'est comme son bureau, je m'souviens très bien qu'il était au premier, pourquoi maintenant il est au deuxième ?
Je garantis la rigoureusitude de l'échange ci-dessus : vous auriez vu l'air hagard de l'Irremplaçable au sortir de l'épreuve, vous n'en douteriez pas plus que moi. Elle avait bien mérité son godet de blanc de Gascogne.
Ce ne nous dit pas où est garée la voiture. D'ailleurs, pour son anniversaire, pour pourriez lui en lustrer les monochromes.
RépondreSupprimerll faudrait qu'une visiteuse de ce style se présente le jour où Pluton sera là, elle risque de connaître "la" visite de sa vie... Et nous serons dans les coins à nous tordre de rire !
RépondreSupprimerDites moi Didier, avez-vous repéré où se trouvent les oubliettes ? Sachant déjà où se trouvent les couteaux...
RépondreSupprimerSi on vous redemande où est le monochrome, répondez façon Raimu avé un fort assent marseillais (ou à la con si vous préférez) qu'il a été prêté au musée de Roquefort la Bédoule pour l'expo estivale. La conne est bien capable de s'y pointer... wouarf.
En tout cas, quelle rigolade, faut quand même avoir les nerfs solides !
J'en ai bien eu une qui, à Pise, m'a demandé pourquoi la tour n'était pas "comme sur la photo".
RépondreSupprimerJe l'ai regardé interloquée en lui disant qu'elle était "toujours penchée" et que les travaux de restauration n'avaient fait que stopper sa dangereuse inclination.
- On n'est pas à Florence ici?
J'avais parlé une demi-heure durant dans le car de Pise et distribué à tous un plan de la ville de PISE avec photo de la tour dûment penchée...
Mais Catherine, voyons ! Les oiseaux rares comme ça, vous savez très bien qu'il faut les prendre en photo !
RépondreSupprimerMais quel courage quand même. Elle méritait un séjour prolongé dans un cul de basse fosse...
ya des gens, je vous jure qu'ils sont payés pour faire chier...
RépondreSupprimerJe me demande si l'Irremp a bien fait de rester zen. Une bonne colère est très saine, pas la peine de se faire des boutons pour une conne pareille!
De toute façon, quelqu'un qui est fasciné par les monochromes, est quelqu'un d'infréquentable.
RépondreSupprimerUn monochrome... la plus grande arnaque artistique de tous les temps.
Peut-être aussi que ce genre de visiteuse mal embouchée veut faire sortir le guide de ses gonds et ensuite avoir un prétexte pour écrire à la direction des Monuments historiques :
RépondreSupprimer« gnia gnia, j'ai été maltraitée dans ce château, et vous-z-avez qu'à "leur" retirer votre grosse subvention, et toc, etc . » Brrr, je suis sans doute parano moi aussi, mais allez savoir...
Autre solution : en faire de la chair à saucisse, dans le style brigadiste, et de la faire brûler dans la grande cheminée...
Le maître vous a confié sa demeure ?!
RépondreSupprimerJe débarque.
Mon Dieu qu'il est laid !
RépondreSupprimerNicolas : à l'heure qu'il est, elle doit être en train de rouler le long d'un fjord.
RépondreSupprimerEmma : oui, ça pourrait être drôle !
Pluton : apportez donc du mercurochrome, on lui fera croire qu'elle a confondu les deux mots.
Floréal : oui, je suppose que, vous, ce genre de personnage ne doit plus trop vous impressionner.
Nef : on avait beaucoup plus simple : à Plieux, notamment au second étage, un certain nombre de portes ouvrent sur le vide...
Marine : elle garde sa colère pour les enfants casse-burnes des jours prochains !
Camille : il y a ici quatre "quasi monochromes" qui, au soir tombant, produisent des effets splendides.
Hank : oui, pour tout le mois d'août. Les photos sont ici.
Tiens, les malfaisants sont de retour...
RépondreSupprimerY en a pas un pour me défendre ?
RépondreSupprimerChacun recopie le commentaire précédent, et que j't'en remette une couche et gnagnagna et gnagnagna.
Pour une fois qu'un billet de mon oncle fait l'unanimité...
RépondreSupprimerVous devriez être fière c'est une première !
J'étais trop estomaquée pour me mettre en colère !
RépondreSupprimerHeureusement que Mr. et Melle ne disaient rien! Une comme ça était, me semble-t-il, à la limite du supportable... alors 3!
RépondreSupprimerMon toiletteur est formidable ! J'ai un beau poil brillant! Je m'ébroue, je tends l'oreille:
RépondreSupprimerOuarf, j'y retourne. Mon maître m'appelle ! J'halète. J'accours ! J'me roule par terre, je le renifle, hop, un gros susuc.
Slurp ! j'y retourne.
Lédidi