Pour les bons esprits de ce temps, l'affaire est entendue, le procès n'est plus à faire : la Croisade c'est le mal. Entreprise au mieux dans un vulgaire appétit de lucre, au pis dans une volonté de coloniser et d'asservir. Passons sur la seconde accusation, qui pue son anachronisme à pleins naseaux : nul chrétien du XIIe ou XIIIe siècle n'a jamais eu cette étrange idée de coloniser la Terre Sainte. Il ne s'agissait pas davantage d'une guerre des religions, ni même d'une guerre missionnaire – même s'il dut bien y avoir quelques conversions forcées de musulmans par-ci, par-là : c'est humain… –, mais d'une sorte de pèlerinage armé, destiné à conquérir, conserver ou reconquérir les Lieux Saints ; Lieux Saints sur lesquels les musulmans n'avaient aucun droit légitime particulier, sinon celui du plus fort, puisque eux-mêmes avaient, cinq siècles plus tôt, asservi ces régions juives et chrétiennes les armes à la main.
Pour ce qui est de l'appât du gain, de l'esprit de lucre, laissons la parole à Franco Cardini, auteur entre autres d'une excellente biographie de saint François d'Assise : « (…) on interdisait par ailleurs pendant la durée entière de la mobilisation tout type de commerce et de contact avec les musulmans, si ce n'est la confrontation militaire. C'était une décision grave, qui coûtait très cher en termes financiers parce qu'elle gelait des trafics opulents et ne pouvait pas être maintenue trop longtemps parce que les élites économiques – surtout les villes maritimes italiennes – n'en auraient pas garanti le respect. » À cet appauvrissement dû à l'arrêt des relations commerciales doit s'ajouter la nécessité pour les croisés de s'équiper de pied et cap, non seulement eux mais les hommes, de troupe ou de service, qui vont les accompagner durant de longs mois. Il faut aussi affréter de nombreux bateaux, ce que les villes maritimes italiennes déjà évoquées – principalement Gênes et Venise – ne font pas gratuitement, loin de là. Enfin, durant le temps que dure la croisade, on ne peut plus veiller à la bonne marche de ses affaires, ni à l'intégrité des biens que l'on possède en France ou en Angleterre ou en Allemagne. La croisade, ça coûte de l'argent. On me répondra razzias et pillages des cités conquises. Bien entendu. Mais cela n'a rien de particulier à la croisade : à l'issue de toute guerre, de la moindre bataille même, le vainqueur pillait les biens du vaincu, telle était la règle admise par tous – le Traité de Versailles est peut-être le dernier en date de ces ancestraux Vae victis.
Si la croisade suscite autant de ferveur et d'adhésion durant près de deux siècles, c'est parce qu'elle est un retour au Christ, à la région qui a vu se dérouler son passage sur terre. C'est essentiellement un pèlerinage, qui n'a pour but ni l'enrichissement personnel, ni on ne sait trop quel “esprit d'aventure”, ni le goût de la violence armée. Sinon comment pourrait-on expliquer qu'en juin 1219 saint François se soit embarqué d'enthousiasme à Ancône pour Acre puis Damiette ? L'appât du gain ? Le goût des armes ? Voyons, voyons…
La croisade est peut-être la geste la plus haute et la plus sublimement gratuite de toute l'histoire de l'Occident : des hommes en armes, croix cousue sur l'épaule ou le torse, qui acceptent de tout quitter et de traverser l'Europe entière en risquant leur peau, à seule fin d'aller délivrer un tombeau.
Demain, nous nous intéresserons au caractère proprement démoniaque du communisme…
Demain, nous nous intéresserons au caractère proprement démoniaque du communisme…
La dernière croisade remonte à 1270. Al Qaeda devrait mettre sa pendule à l'heure.
RépondreSupprimer"des hommes en armes, croix cousue sur l'épaule ou le torse, qui acceptent de tout quitter et de traverser l'Europe entière en risquant leur peau, à seule fin d'aller délivrer un tombeau"
RépondreSupprimerFallait quant même qu'ils soient un peu tarés...
De la même façon, puisque vous vous proposez d'étudier le communisme dans une note prochaine, cela tombe bien, on peut dire de lui qu'il fut un projet résolument humaniste, non régi par l’appât du gain mais seulement par une volonté d'équité et de justice.
RépondreSupprimerMais hélas, comme les croisades, les meilleures intentions....
Je veux bien croire qu'au début, au moins, les intentions aient été pures. Je ne crois pas que le Poverello ait été guidé par l'esprit de lucre. Il y eut cependant conquête de territoires, établissement de royaumes et de principautés chrétiennes (notamment par les d'Hauteville chez qui ce devait être une manie) et certains "héros" chrétiens comme mon chouchou Arnaud de Châtillon s'ils avaient une âme pure n'en faisaient pas moins quelques écarts de conduite...
RépondreSupprimer"La dernière croisade remonte à 1270"
RépondreSupprimerIl est temps de nous y remettre, alors. Quelqu'un aurait un destrier à me prêter ? Je le lui ramène vivant dans deux ans, promis !
Pirée : oui, et encore : elle n'est jamais arrivée en Terre Sainte, si je ne m'abuse.
RépondreSupprimerNicolas : vous êtes un vil progressiste qui ne comprenez rien à la beauté des actes gratuits (si on peut dire).
Léon : Lénine vomissais les humanistes, avant même 1917.
Jacques Étienne : ah, mais personne n'essaie de les faire passer pour des bisounours célestoïdes non plus !
Yanka : et si on faisait une croisade moderne ? En bagnole, avec la clim et du whisky dans la boîte à gants, toussa…
"Pour aller délivrer un tombeau"
RépondreSupprimerEt de plus un tombeau VIDE puisque les croisés, eux, croyaient encore à la résurrection du Christ, ce qui paraît complètement fou à tout le monde (normal) mais tout à fait déraisonnable à nombre de chrétiens aujourd'hui... hélas.
Les Croisés allaient effectivement en pélerinage sur les Lieux Saints, et éventuellement les reprendre aux bernards l'ermite qui les occupaient indûment.
Geneviève
Toutes les croisades, si le beau geste en était la raison (sauf pour ceux qui en faisaient le prétexte), n'ont pas été désintéressées. Byzance en a fait les frais, considérée par Rome comme non pas seulement comme schismatique mais comme hérétique (voir la querelle du "filioque") et qui a été pillée plus pour ses richesses que pour des questions de théologie.
RépondreSupprimerConquêtes ou reconquêtes (notamment par les Francs et les Normands) les Croisades furent aussi des réponses au Djihad. Ce djihad qu'on nous présente aujourd'hui à nous "croisés" comme une revanche justifiée.
"Léon : Lénine vomissait les humanistes, avant même 1917."
RépondreSupprimerOui, mais il n'a pas inventé le projet, il est simplement responsable (lui et d'autres) de son échec sanglant.
J'avais écrit Arnaud mais c'est de RENAUD de Châtillon dont je voulais parler. Ceux qui ne connaissent pas ce turbulent personnage seront édifiés par le lecture de l'article que lui consacre Wikipédia (http://fr.wikipedia.org/wiki/Renaud_de_Ch%C3%A2tillon)
RépondreSupprimerLa prise et le sac de Constantinople fut en effet une tragique faute de la part des croisés.
RépondreSupprimerMerci pour cette mise au point.
RépondreSupprimerL'Histoire officielle de la
République se voit une nouvelle
fois chopée en flagrant délit de
mensonge endoctrinateur.
Quoiqu'aujourd'hui, les écoliers
n'entendent plus parler des
croisades. Sauf les petits
musulmans, bien entendu.
Vous y faites allusion, Didier, das votre commentaire de 13.19:
RépondreSupprimerLa honte de l'Occident (on disait les Francs à l'époque), c'est bien la IVe croisade au cours de laquelle la prise de Constantinople a été mise à sac et partagée entre les conquérants.
Les Vénitiens, pour rentabiliser leur investissement en bateaux se serait bien contenté du port de Zara (Dalmatie) ce qui fut refusé par Innocent III du fait que cette ville était catholique.
C'était une autre époque qu'on ne saurait juger d'un point de vue "moderne".
@ Yanka :
"Il est temps de nous y remettre"
Attention, les rôles ont changé ... les croisés ou plutôt les croissantés c'est pas nous !
Faudrait se relire :
RépondreSupprimer"au cours de laquelle Constantinople a été mise à sac"; désolé.
"le Traité de Versailles est peut-être le dernier en date de ces ancestraux Vae victis."
RépondreSupprimerVous oubliez le déménagement intégrale des usines allemandes de l'est du Reich vers la chère URSS. C'est là, de fait me semble-t-il, l' "vae victis" occidental !
mais dans la religion des croisés, il est pas question d'aller en enfer quand on tue son prochain ?
RépondreSupprimerRemarque intelligente l'indien ...
RépondreSupprimerMais il y a toujours un homme d'Eglise pour vous apporter l'absolution !
Mais c'est toujours un réel problème pour un chrétien. Il a fallu du temps et l'habileté de Constantin (IVème siècle) pour les amener à combattre.
Voilà pourquoi, l'invasion que connait l'Occident a toutes chance de réussir !
pensez vraiment que "l'invasion" que connait l'occident ressemble aux guerres saintes?
RépondreSupprimeret si aujourd’hui comme avant, la religion a toujours été un prétexte pour cacher de vrais intérêts, économiques.
il faudrait être naïf pour croire que tout cela n'a été qu'une question de désirs de convertir l'autre.
avant on allait chercher les épices ailleurs sous un prétexte de conversion a notre religion, aujourd’hui on va chercher le pétrole ailleurs sous des prétextes de conversion a nos principes démocratiques.
on peut reprocher aux hommes d'aller chercher la richesse là ou ils pensent la trouver de manière individualiste, comme on peut reprocher le protectionnisme aux riches. si on aime les libertés, on critiquera d'avantage ces derniers a condition d’être objectif.
l'Indien,
RépondreSupprimer"que "l'invasion" que connait l'Occident ressemble aux guerres saintes?" Evidemment non.
Il s'agit uniquement ... "d'aller chercher la richesse là où ils pensent la trouver";
voilà pourquoi nous ne sommes pas en capacité de la réduire : ceux qui croient en un nouveau Charles Martel se mettent le doigt dans l'oeil.
Et ceux qui croient qu'il s'agit d'une chance pour l'Europe, itou !
quand on doit s'adapter a une nouvelle situation que la nature nous impose, on ne se dit pas si ce changement est une chance ou pas, on s'adapte point.
RépondreSupprimersi on est positif, on la voit comme une chance et on avance, le pessimiste lui le vit mal.
le positivisme est une façon de mieux vivre les choses de la vie, ce n'est en rien de la "bienpensance" ou de la "bisounourserie" comme le pense péjorativement le médisant.
on pourrait décrire les positivistes comme faibles et leur critiquer leur manque de réaction par rapport a un changement qui nécessite adaptation, mais comme vous le dites il n'y aura pas de nouveau charles martel, la morale refuse désormais de laisser libre court aux aspirations des pessimistes.
il nous reste plus qu'a s'adapter et essayer d'arranger les choses, en faisant la gueule et en rechignant ou avec le sourire d'un espoir plus agréable, car il est clair que l'adaptation n'est pas facile, on aime bien rester dans nos petites habitudes, mais rien ne peut stagner indéfiniement
On en reste là, l'indien, voulez-vous?
RépondreSupprimeril n'y a que "CARREFOUR qui POSITIVE".
Quant au POSITIVISME, ouvrez un dico !
Au fait, au gré de mes divagations dans Paris, j'ai observé que Simone Weil (pas Veil) a habité rue Auguste Comte; elle a du souffrir !
je connais le sens du positivisme, c'est justement approprié dans la discussion, quand on parle d'une façon de voir les choses positivement comme d'une façon d'analyser les choses (l'invasion et ses conséquences) avec un regard scientifique avec une recherche de la vérité sans fonctionner par instincts primitifs qui amène souvent les réacs dans votre genre a faire des conclusions sans vraies réflexions scientifiques.
RépondreSupprimeret oui on va arreter là, vous etes tellement incohérent, a dire que les guerres saintes ne sont pas comparables a l'immigration actuelle, puis après vous parlez d'invasion, terme qui n'est pas approprié au sujet, puis comparez l'invasion qu'a subit Simone Veil a l’immigration en continuant a la comparer au domaine guerrier, ou malintentionné qui ne lui correspond pas réellement.
alors oui votre mauvaise foi, vos erreurs de jugements et votre façon de me prendre de haut ne mènera le débat a rien.
bonne continuation dans votre morosité.