mercredi 24 octobre 2012

Si l'on mettait le cœur des gens dans les manèges des forains…

Je repassais tout à l'heure le disque de Léo Ferré (il ne refait irruption ici que quand je suis seul, et qu'il fait bien nuit) qui s'appelle Premières Chansons ; non la version originale, que je possède aussi, mais celle qu'il a réenregistrée en 1969, et que j'écoute depuis environ quarante ans. Et, comme de juste, c'est immanquable, je suis retombé amoureux de la chanson intitulée Les Forains, dont les deux derniers vers du premier quatrain m'ont servi de titre, pour ce billet qui se demande où il va. C'est une chanson de Doisneau. Les paroles et la musique sont de Ferré, bien entendu, mais le résultat est une photographie de Doisneau, à quoi il ne manque rien, même pas ce qui n'y est nullement évoqué : les murs rectilignes et gris de suie, les antiques landaus, les gamins qui jouent avec une carriole de bois rafistolée par eux-mêmes, un ouvrier à casquette et mégot maïs, une Traction noire garée en arrière-plan, une grosse dame habillée triste, avec un cabas… Et ce mariage si naturel et merveilleux entre les deux pianos, celui du riche et celui du pauvre. (Je viens de trouver cette chanson sur Youtube, mais il s'agit de la version princeps et non de celle dont je parle : chacun pourra aller la chercher s'il le souhaite.)

C'était un coup de maître, ce premier disque, ces chansons qui s'échelonnent à peu près entre 1946 et 1950, date de l'enregistrement initial. Il y a ce splendide Bateau espagnol, qui est un hommage à celui de Rimbaud, l'ivre. Et puis Barbarie :

Dans la rue anonyme
Y a partout des Jésus…

Et l'humour féroce de L'Esprit de famille, cette belle-sœur, poétesse et serveuse dans le bar “d'hommes” familial, qui, servant ses chopines, cherche désespérément une rime à rapines

Bon, quoi, on n'en finirait pas. 

13 commentaires:

  1. Depuis quand vous faites deux billets par jour dont un pendant mes heures de bistro ?

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    1. Pour mettre un terme au précédent j'imagine...

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    2. Il fallait que je retarde à tout prix l'heure de l'apéro…

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  2. Que dire de plus monsieur Goux, votre lyrisme me touche. Et puis Léo... Vous ne ressemblez certainement pas à monsieur William, ce sale type. Thank you, Didier !

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    1. M'enfin, qu'est-ce que vous avez contre ce pauvre Monsieur William ?

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  3. Demain Fréhel, Damia.
    Jusqu'où allez vous sombrer ?
    Elle rentre quand au juste ?

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    1. Fréhel, Damia,c'est pas si mal. Mais, vues les dérives, quand rentre-t-elle donc ?

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    2. D'accord avec Jacques Étienne. Catherine rentre demain soir, sinon.

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  4. Ferré est bien le seul vrai chanteur-poète que cet art mineur ait produit. Les premières chansons font très Doisneau en effet, très "France d'avant", celle que j'ai à peine connue (sinon en photo... et en chansons) et dont je suis nostalgique à pas même cinquante berges. Tiens, s'il y a bien une chose qu'on ne peut pas reprocher politiquement à Ferré, c'est de nous avoir vanté la diversité et chanté l'anti-France. C'est à peine s'il y a une ou deux chansons anti-catho, et pas trop virulentes en plus ("Monsieur Tout Blanc"). Finalement c'était un bon gars.
    Le seul qui me semble lui arriver à la cheville aujourd'hui - pour ceux qui me feraient confiance et voudraient tenter l'aventure -, c'est Dominique A (dernier album très réussi).

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    1. Ah non alors ! Et Trenet ? Vous en faites quoi, de Trenet ? c'est lui, le vrai grand.

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  5. Comme quoi rien ne vaut une bonne chanson pour soigner le spleen !
    Turlututu, chapeau pointu !

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  6. Longtemps un malentendu m'a tenu loin de Ferré, son lyrisme me gênait ou je ne sais quoi. Et puis un jour j'ai écouté La Mémoire et la mer, par inadvertance, à la radio... l'illumination!
    Aujourd'hui, à Dominique A, je préfère Miossec, ce côté sec, très brestois en fait... Si le coeur vous en dit, Marco Polo...

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.