dimanche 21 novembre 2010

Max Havelaar ou le Hollandais naviguant – notes

Un roman dont le personnage éponyme, cent ans plus tard, saute à pieds joints dans le monde réel pour y devenir l'emblème d'une réalité nouvelle et ô combien concrète, ce n'est pas si fréquent – C'est pourtant le sort dévolu à Max Havelaar. Lequel, dans un livre de 380 pages, n'apparaît pas avant la 104e.

Réussir à survivre à un nom de plume aussi pathétique que Multatuli (Multa tuli : j'ai beaucoup souffert...), il y fallait tout le génie d'Eduard Douwes Dekker, écrivain contemporain de Flaubert.

Max Havelaar est écrit d'un bout à l'autre à la première personne, mais ce n'est pas toujours le même narrateur qui parle. Et ce n'est jamais Havelaar lui-même.

Les quatre premiers chapitres sont vus par le courtier en café Droogstoppel, le bourgeois hollandais dans toute l'horrible drôlerie de ses déficiences morales et intellectuelles : étriqué, cupide, papelard, inculte, matois, lâche, pontifiant et bête, il pourrait sortir d'un roman de Dickens. Ses charges contre la poésie et le théâtre, les arguments qu'il produits à leur encontre sont d'une irrésistible bouffonnerie. Il dit aussi (page 58) : « J'en arrivais à la conclusion de plus en nette qu'il faut être courtier en café pour savoir avec exactitude ce qui se passe dans le monde. » Bref, Droogstoppel a un grain.

L'art de la digression à la fois saugrenue et docte vient de Sterne. D'ailleurs, le jeune Allemand à qui Droogstoppel demande d'écrire son livre à sa place (par prudence...), livre qui doit se baser sur le récit à venir des tribulations indonésiennes d'Havelaar, ce “nègre” s'appelle Stern.

Il y a dans ce roman de la hargne et de la grandeur, de la cocasserie et du romantisme, un éclatement des styles et une unité profonde.

Je laisse de côté pour le moment le ressort principal, la dénonciation rageuse de l'oppression hollandaise sur les Javanais, car j'aborde tout juste cette partie “exotique” de l'œuvre.

Multatuli est un satiriste éblouissant doublé d'un moraliste soupe-au lait.

7 commentaires:

  1. J'ignorais tout de Max Havelaar. Merci pour cette découverte !

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  2. Je vous rassure : moi aussi ! J'ai découvert l'existence de Multatuli dans le roman de Mulisch (qui vient de mourir), La Découverte du ciel.

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  3. Vive le commerce équitable!

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  4. Je croyais que Multatuli c'était de l'hindi ou un truc dans le genre? Commkwa ...

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  5. Qu'est-ce que La Redoute vient faire dans cette histoire ?

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  6. Voilà bien qui nous éloigne du Max Havelaar devenu marque commerciale au service de transnationales comme Nestlé, Starbucks ou Dagris, spéculant, chacune à leur façon, sur les matières premières agricoles produites par les plus pauvres du tiers monde.
    Quand le business s'en mêle on sait où cela mène.
    Quelle imposture cette bonne conscience de supérettes, bras armé d'un néocolonialisme totalement décomplexé !

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La boutique est rouverte… mais les anonymes continueront d'en être impitoyablement expulsés, sans sommation ni motif.